Humoresque - Appassionato V
Pour le Centenaire de la mort de Grieg
Lors d'une visite � Oslo en 1926, Maurice Ravel d�clare : � la g�n�ration de compositeurs fran�ais � laquelle j'appartiens s'est sentie fortement attir�e par sa musique. Aucun compositeur ne me para�t plus proche que Grieg - si ce n'est Debussy �
Pourtant, on observe d�j� � cette �poque un lent d�clin de la popularit� du compositeur norv�gien, apr�s une "Griegomania" de pr�s de quarante ans.
A la lecture des programmes de concerts o� sa musique fut interpr�t�e par Grieg lui-m�me comme chef ou pianiste ou par d'autres interpr�tes contemporains du compositeur, la question que l'on peut se poser est de savoir si Grieg a �t� connu, reconnu, f�t� pour de bonnes raisons. Apr�s sa mort, toujours � la lecture des programmes de concerts on remarque que les interpr�tes, qu'ils soient pianistes, violonistes ou chanteurs se cantonnent, avec une unanimit� toute panurgesque, aux oeuvres qui permettent un succ�s assez facile ayant fait leur preuves pour soulever les foules. Un pianiste jouera plus facilement le concerto ou certaines pi�ces lyriques, un violoniste la troisi�me des sonates pour violon et piano, quant aux chanteurs, c'est plut�t un groupe restreint de m�lodies qui se retrouveront de salle en salle, de pays en pays avec, heureusement, quelques modifications notables. De plus les m�lodies, hormis les opus en allemand, exigent le norv�gien, Grieg s'est assez plaint des traductions malencontreuses de ses lieder. C'est l� un effort suppl�mentaire pour les chanteurs qui sont pr�t � jongler avec l'italien, le fran�ais, l'allemand, le russe, l'anglais moins avec le norv�gien... Un orchestre donnera le plus souvent l'une ou l'autre suite de Peer Gynt ou la suite "au temps de Holberg".
Tout cela est bel et bon mais l'œuvre de Grieg est riche de plus de 300 compositions r�unies en une septantaine d'opus plus d'autres class�es selon un syst�me diff�rent.
Peu � peu le public s'est d�tourn� du compositeur, en tout cas en Europe occidentale... Lassitude du rab�chage? Les critiques de sa musique se font plus pr�sentes: salonnarde, facile, peu ou trop m�lodieuse, trop lisse ou trop dissonante, trop commune ou �trange et bizarre, trop norv�gienne, trop cosmopolite... De telles assertions contraires et paradoxales aux avis si tranch�s, signifient d'habitude qu'une oeuvre poss�de une r�elle personnalit� qui divise l'opinion. Mais aussi que, dans bien des cas, les compositions qui permirent ces avis ne sont pas les plus repr�sentatives de la pens�e la plus profonde d'un compositeur.
Bien s�r, Grieg, alors qu'il sillonne l'Europe comme interpr�te, sait que pour une appr�ciation positive imm�diate de sa musique (donc de son �tre "spirituel") certaines oeuvres font mouche plus ais�ment. C'est probablement apr�s sa mort que la curiosit� des solistes les plus renomm�s, donc les plus engag�s, ne s'est pas r�v�l�e.
Il reste que Grieg est un compositeur bien plus complexe qu'il n'y para�t. Romantique assum�, il sonde les profondeurs de l'�me avec intimisme ou v�h�mence. Une science des accords luxuriante est au service de sentiments les plus introvertis, les plus subtils. Certaines oeuvres exigent une concentration maximal, non � cause de leur longueur, mais par la plong�e en soi � laquelle elles nous invitent. Le caract�re national bien que pr�sent peut s'estomper et rejoindre l'universel.
L'�loquence participe �galement au langage du compositeur. L'h�ro�sme m�me, parfois. Et la franchise. Grieg �tait dans son œuvre souvent comme dans sa vie. Ces trois traits de caract�re sont constitutifs, en diverses proportions, de notre homme (il y en a �videmment d'autres). Ne serait-ce que par sa prise de position publique en faveur de Dreyfus lors de la fameuse affaire, suivie d'acte: annulation d'une tourn�e en France. Quand en 1903, il reviendra � Paris, des critiques, dont Debussy, ne manqueront pas de rafra�chir certaines rancœurs... Debussy d�testait la musique du norv�gien, Grieg admirait la musique de son coll�gue.
Il faut dire que les recherches en mati�re de langage musicale de Grieg sont les pr�curseurs de Debussy. L'un voyait dans la musique de son confr�re une avanc�e l'autre, un rival...
Il y a encore tout un travail � effectuer pour la diffusion en profondeur de l'œuvre sinc�rement et magnifiquement �mouvante de Grieg.
G.L.
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