Humoresque - Appassionato I
Des compositeurs qui aident à vivre . . .
Je ne sais s'il y a des musiciens à qui on n'ait pas demandé quels sont leur compositeur préféré. Pour moi, la réponse est claire: tout ce que je joue est ce que je préfère. Néanmoins ils se trouvent des compositeurs qui sont des repères, des témoins de vie pour mon chemin.
D'ailleurs interpréter est, dans ma façon de vivre la musique, le moyen de présenter ces merveilleux compositeurs comme des amis vivants. Des amis si géniaux qu'on a envie que d'autres les rencontres. Peut-être ne plairont-ils pas, peut-être que la présentation que je ferai d'eux ne plaira pas? Interpréter c'est aussi croire que l'on connaît bien ces amis et se faire surprendre par eux, se rendre compte qu'ils avaient des facettes qui nous échappaient... Heureusement. Et du coup, remettre en question la vision qu'on a de ces relations fantasques, vivants à travers leur musique, porteurs de joie, consolateurs, dynamisants, inquiètants ou questionnants autant pour celui qui entreprend de de faire résonner leurs univers de notes, que pour ceux qui prennent le temps de les écouter.
Alors bien sûr, vous l'avez déjà compris, il y a Mozart... Humain, au coeur de l'humanité, dans sa lumière et dans son obscurité, nous les offrant en partage si ouvertement, si simplement, empêtré dans les conventions sociales, les transcendant pour glisser la mélancolie ou l'angoisse au coeur d'un moment de joie, comme une écharde indélébile, comme une minuscule goutte d'encre qui ensuite se répand, envahissant l'oeuvre... et de donner ainsi une saveur nouvelle et plus profonde à la joie ayant expérimenté l'ombre en son sein.
C'est aussi l'émerveillement...
Et la désillusion.
Réécoutant "Così fan tutte" j'y sens toujours plus une représentation de notre triste capacité à opérer un massacre des sentiments, à piétiner nos propres vérités, notre authenticité. C'est peut-être ici la plus subtile réflexion qui soit sur les relations humaines. Bien sûr tout cela a été dejà dit et redit mais pour moi, c'est une perpétuelle découverte et j'en vis. Quant à la "Flûte enchantée"... J'aime ce qu'elle véhicule, j'aime son symbolisme. Il y a toujours un moment où elle revient chanter en moi, apaisante ou énergisante, cela dépend.
L'oeuvre pour piano solo? Oh, elle n'a peut-être pas le caractère innovateur des sonates de Haydn ou Beethoven, elle a peut-être un côté gratuit mais elle parle de nous, de lui, toujours. Et "gratuit" n'a t-il pas la même racine que "grâce"?
Les concerti? Je ne sais s'ils sont des opéras en miniatures, des oeuvres pour briller ou autre. Ce que j'y découvre, c'est qu'ils parlent de relation, qu'ils sont des relations et je crains qu'une vie ne me suffise pour les approfondir.
Je voudrais aussi vous parler de Bartòk. Curieux voisinage?
Il n'en est rien, il n'est pas si loin de Mozart: l'humain est sa mesure. Tout deux ont une tendresse pour lui. On ne sait pas assez que dans les années trentes Bartòk s'était renseigné afin de connaître quelles étaient les démarches pour devenir juif, le hongrois ennemis des fascismes se voulait solidaire des exclus. L'Allemagne hitlérienne dictait qu'il y avait un "art dégénéré" que ceux qui y participaient étaient tout autant dégénérés, Bartòk se sent frère des nouveaux pestiférés.
Et dire qu'ayant voyagé et récolté des musiques "ethniques" dans toute l'Europe orientale puis se rendant jusqu'en Afrique du nord, Bartòk s'aperçoit que certaines mélodies se retrouvent dans des pays n'ayant pas de frontières communes et conclut pouvoir ainsi scientifiquement démontrer que l'humanité est une. Actuel, non?
Certain le trouve dissonnant et motorique. La dissonance est une notion assez floue tout de même, évoluant au gré des époques.Si on entend par là que "ça sonne faux" il m'apparaît que c'est aussi la vie qui a cette propriété et que peut-être Bartòk s'attache plus au vrai qu'au beau... Son soi-disant motorisme est inexistant. Par contre retrouver les impulsions primales de l'humain le passione, aller à l'essentiel dans sa nudité voilà qui l'enthousiame! D'où ses rythmes obsédants, comme obéissant à de fantasques rituels païens.
Chopin, lui aussi est dans la filiation Mozartienne, avouée par le principal intéressé. Vers lui aussi va une particulière affection de ma part. Il n'a peut-être pas le même intérêt pour l'être humain, ce qui reste à nuancer, et fortement, mais toute son âme nous parle de ce qui fait notre monde de sensations et d'émotions.
Et quel compositeur! Quel aristocrate novateur! Comme tel, il ne nous met pas des poteaux indicateurs pour signaler les inventions de son si particulier génie: ce véritable prince de l'élégance de l'esprit reste subtil là où d'autres pourraient se montrer triviaux. Le grand chef d'orchestre allemand Wilhelm Furtwängler qui "parlait" yeux dans les yeux avec Beethoven, Schubert, Wagner, Bruckner entre autre, ne supportait pas qu'on critiquât en sa présence le génie compositionnel du Polonais.
Justement Schubert est aussi dans cette filiation. Plus: à mes yeux il est logiquement le frère musical de Chopin également. Couleurs, introspection, fragilité et puissance, subtilité du discours. Le romantisme est pour lui en vivre pleinement la philosophie, qui, très grossièrement résumée, consiste à percevoir le monde extérieur réel comme une projection de notre monde intérieur. Vous ai-je dit mon intérêt pour le symbolisme? Oui, bien sûr... Je radote... d'enthousiasme!
Et puis, je pourrais parler des heures de Bach, Liszt, Dvoràk, Rachmaninoff, Janàcek, Beethoven, Franck, Chausson? En confidence, la transe dans laquelle me plonge ces trois derniers est . . . c'est indicible.
Et Debussy, le frère de Chopin... Et Schumann... Et Brahms... Et Verdi (ah, racines italiennes ne sauraient mentir!)... Et Mahler... Et... Et...
Allez, je m'arrête là. Mais il y en a bien d'autre dont j'aurai plaisir à vous dire ce qu'ils représentent pour moi.
Une autre fois...
peut-être...
G.L.
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